La boite jaune, objet vintage en voie de disparition.

Il est 8h, en bon ringard, je passe déposer mon courrier dans la boite de dépôt jaune de la poste… Pif, celle de mon quartier s’est volatilisée. Et paf celle du quartier voisin affiche un message sanitaire du type « à cause du Covid, vous êtes invités à déposer votre courrier à la poste centrale ». Parfois le Covid a bon dos. Va pour un tour de vélo à la poste. Mais qu’en est-il des personnes éloignées, ou en incapacité ?

En grattant un peu, on se rend vite compte que ce petit désagrément n’est pas lié au virus, mais bien inscrit dans le temps comme une stratégie économique.

Bourg de Péage – Message de la poste. Avec les recommandations de la cour des comptes, on peut douter du caractère « temporaire » de l’opération

Cette stratégie est en partie subie par le changement des moyens de communication (le mail remplaçant le papier), mais exprime surtout la volonté délibérée de réduire les coûts des services publics de proximité.

Comme d’autres entreprises, la poste doit s’adapter à la dématérialisation. Le volume de courrier est passé de 18 milliards de lettres en 2008 à un peu plus de 9 milliards en 2018. Il atteindra vraisemblablement un plafond bas, tout ne pouvant être totalement dématérialisé.

Mais cette chute a été largement contrebalancée par l’augmentation du volume des colis, avec l’explosion de la vente ligne. Il est passé de 270 000 en 2014 à un peu plus de 16 millions en 2018

Un peu d’histoire

Jusqu’au début des années 2000, comme pour les télécoms, le rail, l’énergie, ou encore l’eau, la poste était une entreprise publique monopolistique alors excédentaire (1 milliard d’euro d’excédent en 2007), et ce alors même que l’État lui imposait d’assumer un certain nombre de coûts (comme les tarifs bonifiés dont bénéficient les éditeurs afin de soutenir la diffusion de la presse).

Mais ces services sont tombés sous les griffes des doctrines libérales de l’union européenne, soutenues par les gouvernements nationaux (à l’époque, ces politiques ont été menées par une commission européenne que la presse mainstream appellerait aujourd’hui « gauche-libérale-réformiste-progressiste », en bref la gauche caviar des gouvernements Blair, Schröeder, Dsk et Co, En digne héritier, Macron fini le travail avec Alstom, les barrages EDF…).

Le processus est toujours le même : directive de Bruxelles pour la mise en concurrence > ouverture au capitale de l’entreprise publique > changement des statuts du personnel et de l’entreprise > mise en concurrence avec le privé > privatisation des branches rentables, socialisation des pertes > suppression des services.

Comme pour les télécoms, l’énergie, et l’eau, on nous annonçait que la concurrence allait permettre de réduire les coûts pour le consommateur et d’améliorer le service rendu. Résultat, 20 ans après, le prix du timbre, des abonnements eau, gaz, électricité ont presque doublé. Les infrastructures souffrent d’un manque d’investissement. Nombre de ces entreprises sont désormais en déficit, malgré des files d’attente au guichet de plus en plus longues. Enfin, il est fortement conseillé au consommateur d’aller voir les asso de consommateurs pour s’y retrouver dans la jungle d’opérateurs, tarifs, et formules commerciales racoleuses.

Coté salarié, nombre d’anciens salariés ont été victimes de pressions, de nombreux scandales ont éclaté (licenciements abusifs, suicide au travail…).

« avec le changement de statut de la Poste en SA, c’est toute la conception de la relation avec la population qui a changé. En service publique, les agents étaient au service de la population. En société anonyme, les agents sont au service des « grands comptes », vente par correspondance, annonceurs en tous genres. Par répercussion, tous les « petits » services rendus par les agents, sont devenus « monnayables ». Et le courrier de « la ménagère » (c’est l’expression utilisée en interne) la direction n’en a que faire, ce n’est pas du rentable ».

Un ancien employé péageois à la retraite

Avantage, les actionnaires, (dont l’état), en pressant le citron sans rien investir quand il en était encore temps, ont pu s’en mettre plein les poches.

In fine, dans un récent rapport de la cour des comptes (Février 2020), l’institution recommande la suppression pure et simple du ramassage (boites de dépôt), et même de ne plus distribuer le courrier dans certains endroits isolés (dans un premier temps, les campagnes).

Ainsi, au lieu d’une tournée collective des boites jaunes, nous aurons donc des centaines de véhicules particuliers qui se rendront chacun à leur poste centrale (on imagine déjà le bilan carbone de l’opération), elles-mêmes encouragées à se regrouper davantage (après tout, pourquoi une poste centrale à Bourg de Péage puisqu’il en existe déjà une à Romans ?)

Voici donc le résultat des réformes « progressistes ».

Surtout cherchez bien le progrès.

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