A quoi ressemblerait une ville éco-responsable ?

Beaucoup vantent les villes du nord de l’Europe qui trustent les classements mondiaux des villes les plus agréables à vivre (« monocles » ou autre « mercer’s quality of living »). Mais qu’en est-il concrètement ? Enervant de voir la copie des premiers de la classe, et pas besoin d’aller si loin pour les visiter : il suffit pour cela de traverser les frontières belges, allemandes, suisses ou anglaises pour mesurer le gouffre qui nous sépare d’une gestion durable des villes.

Même si la ville que nous allons visiter dans ce carnet de vacances a été une des pionnières en écologie politique, la plupart des villes du nord de l’Europe sont construites sur ce modèle, et cela quelle que soit l’étiquette politique de ses dirigeants.

Parking vélo couvert, arrivée en gare de Fribourg

A quelques kilomètres de la frontière française près de Mulhouse, rendez-vous à Fribourg-en-Brisgau, en immersion avec des autochtones, une ville de 230 000 habitants, tout juste plus grosse que notre agglomération Valence-Romans.

Mobilités, urbanisme et organisation cohérente :

La thématique des mobilités est étroitement liée à celle de l’urbanisme. C’est à dire la cohésion et la connexion des lieux de travail, de commerce, d’habitat et de loisir.

On peut diviser Fribourg en 3 périmètres historiques.

+ L’hyper-centre (fait d’ancien et de neuf), dans lequel on retrouve les boutiques très standardisées, équivalentes à notre « plateau des couleurs », un petit quartier historique et les services publics (administrations, lycées, université).

Plutôt que de se battre pour 2 places de voitures, des dizaines de vélos stationnent devant les devantures de magasin. Forcément ça fait davantage de clients ! Seuls les véhicules de livraison sont autorisés dans le centre ville.

L’hyper centre est desservi pas le tram, accessible aux vélos, et seulement aux véhicules de livraison. Il est assez vivant sans être oppressant. Le stationnement voiture n’existe pas et on peut avoir du mal à garer son vélo : en effet, des dizaines de vélo sont stationnées devant chaque devanture de magasin. La béquille est donc fortement recommandée.

Parking de l’université.

+ Un deuxième périmètre est fait de grosses maisons et appartements bourgeois du XIXe et début XXe, de petites boutiques spécialisées, de restaurants (c’est le type de commerce qu’on retrouve dans nos hyper-centres dégarnis). On peut y croiser quelques rares voitures de riverains roulant au pas : ces rues sont souvent trop étroites pour passer une bande cyclable, mais nous sommes partout en zone 30, (et 20 devant les écoles). Attention, ces limites sont très respectées et contrôlées.

Dans le 2e périmètre assez vaste, le stationnement est interdit en journée et payant le reste du temps. Tout est en zone 30, chaque rue dispose d’une allée d’arbre.

Le stationnement est soit payant soit autorisé après 19h. Des contres allées, devanture d’immeuble ou balcon, tout est hyper végétalisées, les rues sont fraîches malgré ces chaudes journées d’été. On y croise aussi des véhicules de la « Grüne Flotte », (Flotte verte). C’est la compagnie de voitures partagées (notre équivalent Citycar), sauf qu’ici, vous pouvez aussi partager votre propre véhicule.

+ Un troisième périmètre est segmenté par des boulevards plus larges. C’est là qu’on trouve les entreprises, les habitations des classes moyennes et populaires (immeubles de 3-4 étages ou grosses maisons mitoyennes). Mais aussi des commerces « moyens » (type lidl), la gare… On remarque d’ailleurs que rien est zoné, ces ensembles cohabitent : pas de zone pavillonnaire, pas de zone industrielle, pas zone commerciale (l’hypermarché est marginal, la distribution est dominée par la superette de quartier, type Lidl ou équivalent haut de gamme…).

Axe assez fréquenté devant le centre de réfugiés Syriens, petits immeubles en bois.

Dans cette troisième et dernière zone cohabitent environ 1/3 de cyclistes, 1/3 de voitures, et 1/3 de piétons et enfin les transports en commun. La circulation semble apaisée, il n’y a pas de bouchons ni de problèmes de stationnement.

Le panneau indique que le reste de la ville est en zone 30 après 19h, les trottoirs sont partagés entre cyclistes et piétons.

Même dans ces quartiers périphériques la vitesse est limitée à 30 km/h de 19h à 6h, (le soir et la nuit) pour limiter le bruit. Chaque feu peut passer immédiatement au rouge à l’appel d’un piéton. Les feux sont synchronisés sur la vitesse des vélos, et non des voitures.
Chaque rue dispose d’une piste cyclable et d’une allée d’arbre. Si elle est trop étroite pour la bande cyclable, alors elle est en zone 30 ou à sens unique. Au pied de chaque immeuble, des dizaines de vélo stationnent dehors ou dans les caves, tandis que les voitures ne semblent bouger que le week-end.

Chaque route de campagne est doublé d’une piste cyclable

Au delà de cette zone, pas de pavillons, c’est directement la campagne, entrecoupée de villages. En rase campagne aussi, chaque route « départementale » est doublée d’une piste cyclable : c’est là qu’on croise les vélos électriques et cyclotouristes.
Globalement, la moitié de la ville est sur les flancs de la Forêt Noire, un massif comme les Vosges. Il y a donc souvent de la pente, ce qui ne semble pas décourager les 2 roues. Pas plus que la pluie : nous ne sommes pas en climat pré-méditerranéen, la région est pluvieuse.

Quartier Vauban

Pression immobilière, nouveaux habitats, gestion durable

Ici aussi il y a nécessité de construire  : le prix du logement y est d’ailleurs plus cher que chez nous. Mais cela ne se fait pas n’importe comment.

Quartier Vauban – 6000 habitants – produit de l’énergie.

Avant de construire de nouvelles habitations, les pouvoirs publiques se sont assurés qu’il n’y a plus rien de vacant ailleurs.
Ainsi le vaste quartier des militaires Français (partis en 1996 à la suite de la réunification allemande) a été entièrement réhabilité en un quartier qui produit plus d’énergie qu’il n’en consomme.
Il est constitué de petits immeubles de 2 à 3 étages avec terrasses et toits végétalisés : parcs et jardins partagés sont omniprésents pour ses 2000 logements, 6000 habitants et 600 emplois.

Végétalisation des façades, toitures solaires, thermodynamique
Chaque habitant soigne son balcon.

L’éclairage publique est raisonné la nuit, le quartier dispose de son tiers lieu très punky, un centre culturel, et les entreprises sont implantés au milieux des habitations.

La plante grimpante a la côte.

Fort de cette expérience qui a inspiré tous les éco-quartiers d’Europe, un deuxième quartier à énergie positive est en train de voir le jour. (Ce projet suscite d’ailleurs des manifestations car le quartier devra se faire sur une zone végétalisée).

Enfin partout dans les autres quartiers de la ville, les immeubles d’après guerre semblent tous disposer d’une isolation par l’extérieur. Pour améliorer le confort et le besoin d’espace extérieur, des balcons métalliques ont été ajoutés aux façades, des plantes rampantes les fleurissent souvent du pied jusqu’aux toits des immeubles. Les toitures plates sont investies par des terrasses, panneaux solaires, ou toits végétalisés.

Jardins partagés ou parc pour enfant entre chaque immeuble. Panneaux solaires sur les toits pour l’eau chaude. Pour le confort, des balcons métalliques sont ont été ajoutés aux façades. De simples haies fleuries ou petits grillages délimitent les propriétés.
Devanture d’immeuble type – Ajout de balcon métallique.

Les copropriétés laissent les habitants autogérer leurs pieds d’immeuble en jardin partagés. Chaque groupe d’immeuble dispose de son aire de jeu pour enfant. Il n’a aucun mur en parpaing oppressant, seuls des grillages ou des haies délimitent les propriétés. toutes les rues ont leur allée d’arbres, la verdure est omniprésente, les habitants rivalisent de créativité pour soigner chaque centimètre de balcon ou pied d’immeuble.

Chaque toiture plate est investit de terrasses, panneaux solaires ou surfaces végétalisées.

En bref, on peut passer un moment agréable et trouver des choses à regarder même dans le quartier le plus banal. Tout ça combiné, l’intérêt d’habiter dans un pavillon individuel avec jardin en périphérie diminue. Il n’y a d’ailleurs pas de zone pavillonnaire, (Hlm à l’horizontal).

Les étudiants et ado disposent de lieux dans des zones plus éloignées des habitations pour faire du bruit la nuit sans gêner le voisinage.

Gestion des déchets

Devanture d’immeuble : en plus des plastiques, papiers, chaque immeuble dispose de poubelles de composte.

La gestion des déchets est également beaucoup plus avancée. chaque immeuble ou maison dispose non seulement de conteneur papier – plastique – tout venant, mais aussi un conteneur «  biotonne  » : c’est un conteneur de compostage.
Tous les plastiques sont récupérés (pas uniquement les bouteilles et emballages), dans des sacs transparents. Les sacs qui contiennent autre chose ne sont pas ramassés.
Enfin toutes les bouteilles sont consignées. 10 centimes pour les bouteilles en verre, 25 pour les bouteilles en plastique. On récupère l’argent en déposant les bouteilles dans une machine automate qui flashe le Qr code sur l’étiquette de la bouteille et vous rend l’argent. Il y en a une dans chaque superette.

Chaque superette dispose de son automate pour récupérer les consignes. Et toutes les bouteilles sont consignées de 5 à 25 centimes selon la matière.

Sans trop aller dans le détail, on voit a quel point les plus jeunes sont sensibilisés à l’environnement. Parcours vélos et jardins dans les cours d’école. Souvent dans les parcs et forêt de la ville, on croise de petites cabanes pour pratiquer l’enseignement des plus jeunes en immersion avec la nature.

Le Waldkindergarten (crêche dans la forêt), très développé outre Rhin car l’école maternelle n’existe pas, et le concept de crèche en extérieur est très apprécié. En cas de forte pluie les enfants peuvent s’abriter dans ces roulottes ou cabanes. Dans ce contexte la sensibilisation à la nature et aux travaux manuels est beaucoup abordé en immersion.

Ce modèle est-il transposable sur Valence Romans ?

En partie seulement. Il paraît utopique de rattraper les erreurs du passé. On ne remettra pas si vite notre « Plateau des Couleurs » dans les hypers centres de l’agglo, supprimer ces zones d’activités qui incitent la population à utiliser davantage la voiture, élargir nos routes, construire des Tram ou encore enterrer l’autoroute à Valence…

En revanche, les directives qui engagent l’Europe à décarboner leur habitat/mode de transport ne concernent pas que l’Europe du nord, il va donc falloir rattraper le retard à marche forcée en suivant notre propre modèle.

Mais ça semble très mal engagé. Malgré les erreurs du passé, nous continuons à étendre ces zones d’activités et à dépenser des millions d’euro d’argent public et privé dans de nouvelles infrastructures routières et commerciales (Rien qu’au nord de l’agglo : Pizançon, Parc Saint Paul, campus de la Sfam, 4e pont sur l’Isère…), et grignoter petit à petit les meilleures terres agricoles.

Si au moins ces nouvelles zones étaient bien pensées : mais pas du tout ! En guise d’éco-quartier, on se contente d’appliquer les normes RT 2012 en concentrant l’habitat individuel au maximum pour rentabiliser le M2 constructible : minéralisation et parpaing, pas d’arbres, pas d’ombre, pas de poubelles de trie, pas de trottoirs, pas de pistes cyclables, pas de parcs pour les enfants, pas de lieux de vie.

Les habitants se consoleront avec des caméras de surveillance, ici le sujet du sentiment d’insécurité mobilise toute l’attention (et tous les budgets) des collectivités !

On laisse quelques miettes aux hypers-centres avec quelques subventions « cœurs de ville » pour laisser penser aux citoyens qu’on s’occupe d’eux, mais pour la plus grande partie, l’argent est investit en périphérie, pendant que les centres villes tombent en ruine. Par ailleurs, les centres ne sont pas correctement reliés aux zones périphériques.

Finalement, la plus grosse des différences avec nos voisins du nord, c’est qu’on ne sent pas de cohérence globale, ni de pilotage politique.

Par contre on voit bien les élus se renvoyer la balle dans notre millefeuille territorial. Ou de s’acoquiner avec les marchands de rond-point et promoteurs immobiliers en acceptant de construire n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment.

Et pour clore la comparaison, nos élus et hauts fonctionnaires nous répondent qu’on ne peut pas s’inspirer des modèles nordiques car « ici les gens n’ont pas la culture ». Pour ne pas dire :  on fait le travail, mais faut pas être trop ambitieux, nos concitoyens sont un peu cons ils pourraient nous le reprocher.

2 pensées sur “A quoi ressemblerait une ville éco-responsable ?

  • 26 juillet 2021 à 13 h 25 min
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    Ouah, merci beaucoup pour ce reportage en terre allemande, si près-si loin ….des projets qui nous sont proposés (ou pas).
    C’est de la belle écologie, globale, cohérente, humaine et qui fait envie !!!
    Bravo pour la mise en image et en textes danke schon Claudie

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  • 3 août 2021 à 21 h 29 min
    Permalink

    Ça donne envie d’aller vivre là bas !

    Répondre

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