Le stationnement est-il si gratuit qu’il en a l’air ?

Quand on se balade dans le centre de Bourg de Péage, la question qui saute aux yeux de celui qui les ouvre : ne suis-je pas au milieu d’un énorme parking ? Sauf à construire des parkings souterrains ou en étages, la politique du maintien de la capacité de stationnement dans le cadre du projet de réaménagement du centre-ville ne laisse pas beaucoup de place aux autres usages … bon courage au bureau d’études qui planche pour rendre le centre-ville plus sympa avec une telle consigne.

Et la Mairie a pour point d’orgue de ne pas faire payer le stationnement, bien que cet espace public du centre-ville soit réellement précieux. C’est le droit à la liberté de pouvoir garer ses voitures comme on le souhaite, et bien sûr de manière gratuite.

La tendance « naturelle » du plus en plus de véhicules par foyer, et ceux-ci toujours plus gros, se voit ainsi confortée. Quand on a 2,3, voire plus, de voitures à garer, celles pour les parents, celles pour les enfants, celles de service, le van pour les vacances, c’est sûr que l’on n’a pas envie d’avoir à payer pour leur stationnement.

« Chérie, regarde, j’ai trouvé la solution pour garer la voiture. Mais au fait, c’est quand la prochaine permanence du Maire, faut aller réclamer à la Mairie qu’ils agrandissent la place de stationnement devant chez nous …

Et quand on a un garage, pourquoi s’embêter à rentrer sa voiture dedans, perdre de la place et du temps quand l’espace dehors est à disposition gratis ? Et puis, toutes ces places de stationnement à volonté, ça rend aussi bien service aux romanais et automobilistes toujours plus nombreux des alentours qui veulent se garer pour se rendre à Romans.

Par contre, celui qui va opter pour les modes de déplacement doux, marche, vélo, transport en commun, et avoir recours à une voiture partagée si besoin, va doublement payer pour les dévoreurs d’espace : en payant les impôts pour financer le goudronnage et en n’ayant quasiment plus d’espace pour ses usages. Et avec ça il a droit au bruit et à l’odeur de tous ces charmants moteurs vrombissants et émetteurs de particules fines.

Et que dire pour les personnes à mobilité réduite, que ce soit en raison de l’âge ou d’un handicap, qui doivent se frayer un chemin dans ce dédale métallique.

Si vous interrogez les habitants de Bourg de Péage sur le déplacement à vélo, beaucoup vous diront qu’ils aimeraient le pratiquer mais que « le vélo c’est trop dangereux » … et qu’ils préfèrent donc prendre leur voiture.

La boucle est bouclée : plus de voitures = plus d’insécurité, plus d’insécurité = plus de voitures. Ou comment l’intérêt individuel, sa sécurité bien légitime, va à l’encontre de l’intérêt collectif, la sécurité de tous. Et pourtant, cette sécurité collective, en réduisant le flux de voitures (et la taille des voitures), apporterait d’avantage de sécurité pour chacun.

La place Delay d’Agier en long et en large : Soyons fiers de notre parking avec jusqu’à 6 rangées de stationnement !

Ce n’est donc pas en répondant au cas par cas aux demandes individuelles, ce que la Mairie sait bien faire, que l’on règlera le problème de manière globale, et notamment sur le thème du stationnement. Ou encore, comme disait Einstein, « on ne peut pas résoudre un problème avec le même niveau de pensée qui l’a créé ».

Rien ne changera positivement, c’est-à-dire un centre-ville plus agréable, plus convivial et attrayant, plus résiliant face à la hausse des températures, tant qu’il n’y aura pas une volonté politique d‘y contraindre le stationnement pour donner plus d’espace aux piétons et vélo, à la végétalisation, aux transports en commun, mettre des voitures en libre-service (cf. CITIZ sur Romans). Ce n’est évidemment pas simple de revenir sur des décennies du tout voiture, ça implique de changer les mentalités et les (mauvaises) habitudes.

Des Maires de grandes villes ont eu le courage de le faire, et forcément quand on chamboule les habitudes prises ça ne plait pas à tout le monde, mais pourtant ils sont souvent réélus … comme quoi.

Le stationnement est un véritable levier pour rationaliser l’usage de la voiture (1), ou comme le dit le Plan de Déplacement Urbain de l’agglo « Une bonne gestion du stationnement est un facteur essentiel pour maîtriser le développement de la voiture ». Ce levier ne peut être actionné sans une offre de déplacements alternatifs, notamment pour les trajets domicile-travail, au travers d’une bonne desserte de transports en commun et d’un bon réseau cyclable.

Serait-ce le projet secret de la Mairie d’un futur Parking Relais ? Et pour l’offre de déplacement multimodal, on en est où ?

Le covoiturage et les voitures en auto-partage permettent d’avoir recours à la voiture lorsque nécessaire. Il faut bien évidemment maintenir une offre de stationnement mesurée, et réglementée à bon escient (payante ou à durée limitée) pour l’accès aux commerces et pour les résidents. Et enfin, comme le prévoit le Plan de Déplacement Urbain de l’agglo (mais pas pour Bourg de Péage), on pourrait imaginer un parking relais en périphérie, ou dans l’actuelle salle Cocteau (qui sera remplacée par un centre culturel prochainement) pour permettre, notamment aux visiteurs et aux travailleurs de Romans-Bourg de Péage, de stationner et avoir une offre de déplacement multimodale (relais à pied, à vélo en libre-service, desserte bus efficace et transport à la demande, covoiturage, voitures en libre-service pour les résidents etc.).

Certaines municipalités ont expérimenté avec succès le stationnement gratuit limité dans le temps (horodateur – Romans) pour laisser davantage de places libres devant les commerces, ou encore une carte par foyer rendant gratuit le stationnement pour 1 véhicule, les autres pouvant être stationnés gratuitement uniquement plus loin en parking relai. D’autres modulent le prix du stationnement en fonction de la taille du véhicule ou leur émissions carbone. En réservant le stationnement pour les besoins essentiels, les habitants du centre qui ont absolument besoin d’une voiture pour travailler ont beaucoup moins de difficultés à se garer. Tout le monde y gagne.

Alors, après lecture, le stationnement gratuit, vous aimez encore ? Vous avez pour cela le bureau des plaintes, euh pardon, les permanences de Mme le Maire pour défendre « vos » places de stationnement.

Sinon, imaginez vivre avec une voiture de moins dans votre foyer, trouver des solutions alternatives pour vos déplacements, et ainsi contribuer à libérer un peu de place et militer pour que l’espace public de notre cité ne se résume pas à de la voirie et des parcs de stationnement. Notre ville ne s’en trouvera que plus agréable et accueillante, avec des perspectives positives d’aménagement de son espace et de dynamisme.

Eric B

  1. Etude GART « Mobilité et villes moyennes. État des lieux et perspective »

Quand on expose ce genre d’argument, le politique rétorque que si l’on va dans ce sens, cela va se faire au détriment des voitures, et donc du commerce local. Sauf que les études montrent que le piéton et le cycliste consomment davantage dans les commerces de proximité que celui qui prend systématiquement sa voiture (qui lui consomme davantage sur des zones commerciales en périphérie). Surtout, une réduction de 30% du trafic et parc auto par habitant (objectif déjà atteint en Europe du nord), c’est moins de bouchons pour les automobilistes qui ne peuvent pas faire autrement, du stationnement en plus pour les habitants et commerces locaux, et enfin un soulagement pour le contribuable (5 millions d’euros pour le rond point de Pizançon, 50 millions pour le 4e pont à Châteauneuf, c’est autant de moins pour améliorer les infrastructures existantes). 

Une pensée sur “Le stationnement est-il si gratuit qu’il en a l’air ?

  • 17 juin 2021 à 20 h 54 min
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    Bravo pour cet article. Je partage votre approche.

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